mercredi 22 août 2012

Elle n'a jamais fait de slam

Une chronique de André Marceau
avec la collaboration de Richard Sage et de Geneviève Lévesque

La chronique « Il/elle n’a jamais fait de slam » vise à faire connaître des poètes et leur poésie qui, bien qu’écrite pour le livre, peut susciter l’intérêt des amis du slam. Puisque le blogue est d’abord et avant tout écrit (et non sonore, parlé ou vidéo), la publication de quelques poèmes s’avère appropriée. 

Catherine Fortin

Poète et biologiste, Catherine Fortin a publié trois recueils de poésie aux Éditions du Noroît : Ainsi chavirent les banquises (1994), Le désarroi des rives (2000) et Le silence est une voie navigable. Elle habite maintenant la Côte-du-Sud, à Saint-Jean-Port-Joli, où elle est née en 1948. Depuis 1996, elle a participé à de nombreuses lectures publiques, a contribué à des périodiques au Québec et en France, et certains de ses poèmes ont paru dans des anthologies.

Dernier titre paru : Le silence est une voie navigable, Éditions du Noroît, 2007, 75 pp.

Mentions : Finaliste au Prix Desjardins/Salon du livre de Québec en 1995 pour : Ainsi chavirent les banquises. Finaliste au prix du Gouverneur général en 2007 pour : Le silence est une voie navigable. Prix Aubert-de-Gaspé, Salon du livre de la Côte-du-Sud, en 2011, pour l'ensemble de son œuvre littéraire.


À l’instar des autres poètes invités à la chronique « Il/Elle n’a jamais fait de slam », Catherine Fortin a rédigé un court texte pour nous expliquer pourquoi elle n’a jamais participé à un slam de poésie.

 Je n’ai jamais fait de slam parce que : 

— parce que je me compte parmi
« les va-nu-pieds les vauriens […]
ceux qui ne veulent ni gagner ni perdre
mais s'en aller acquittés exonérés
toujours plus près du silence ».
— parce que, par nature, les règles, je les fuis. Autant que faire se peut, j'évite la compétition et la hiérarchie qui en résulte.
— parce que je suis entrée en poésie par l'écrit et que les livres font toujours partie de mon «matériel de survie». Si j'écris maintenant autant pour être entendue que lue, j'ai été longue à apprivoiser la lecture en public.
— parce que j'aime qu'en tout temps et en tous lieux, les lecteurs prêtent leur propre corps (voix et souffle) à mes mots. Il m'arrive d'être éblouie par les slameurs dont le jeu s'inscrit dans le vif et l'éclat. Cependant, je trouve que le poème sur papier se prête mieux à la rêverie lente et ainsi laisse des traces plus durables.


Quelques poèmes 
extraits de Le silence est une voie navigable
par Catherine Fortin
Éditions du Noroît, 2007


avec ta bouche tu écris sur ma peau
des mots que je ne comprends pas
mais je lis dans tes yeux
ce que tu lis dans mes yeux
et je sais
que nous sommes loin d’ici

nous sommes loin d’ici
et cette pensée dans ma bouche
à son tour s’éteint contre ton visage

plus tard cette même pensée
portée par le ressac de la nuit
reviendra jouer de sa brûlure
contre l’absence de mots

p. 22


Sommes-nous vraiment en voyage
ou devant un vertige sans nom
— dont on se souviendrait avoir escaladé
les lisses parois?

Au plus vif de l'insoutenable
nous avions de petites attentions
mutuelles inexpugnables
à étaler sur les comptoirs
quand il faisait trop soleil
et que brûlaient nos yeux cœlacanthes

p. 60


Quand nous aurons aboli
ce qui dans le noir se conjugue
radoubé les avaries
blanchi les soubresauts
vaincu la déraison et les ogres
de notre ensevelissement
nous logerons nos espoirs
plein les cubicules
les trous de rochers
les lacunes dans nos aptitudes
jusqu’à débordement
sauvage et gratuit

p.74


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Poèmes extraits de Le silence est une voie navigable, Catherine Fortin, Éditions du Noroît, 75 pages, 2007.



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