mardi 19 mars 2013

Il n'a jamais fait de slam

Une chronique de Geneviève Lévesque
d'après une idée originale de André Marceau

La chronique « Il/Elle n’a jamais fait de slam » vise à faire connaître des poètes et leur poésie qui, bien qu’écrite pour le livre, peut susciter l’intérêt des amis du slam. Puisque le blogue est d’abord et avant tout écrit (et non sonore, parlé ou vidéo), la publication de quelques poèmes s’avère appropriée.

Dominic Gagné

Dominic Gagné est né à LaTuque en 1977. À 17 ans, il est allé étudier la littérature à Québec, il est tombé en amour avec plusieurs filles et, surtout, avec la ville. Après 17 ans à Québec, il s’est exilé, à la fin 2012, à Saint-Louis-de-Gonzague (Les Etchemins), petit village de 400 habitants, pour se consacrer à l’écriture. Il a publié quatre recueils de poésie : Alejandra, parfois (Triptyque, 2013), L’intimité du désastre (Hexagone, 2005), Ce beau désordre de l’être (Hexagone, 2003) et Fragiles saisons à résoudre (Trois, 2002). Tant au Canada qu’à l’étranger, il a collaboré à plusieurs revues littéraires et a présenté un spectacle de poésie multimédia intitulé Elle, parfois. Il s’est mérité le 2e Prix littéraire Radio-Canada 2011, catégorie poésie, ainsi que le prix de la revue Brèves littéraires à deux reprises. On peut lire ses « Carnets de résonance », journal d’écriture et de lecture, dans les pages de la revue Estuaire.

Dernier recueil publié : Alejandra, parfois, Triptyque, 2013, 65 pages.


À l’instar des autres poètes invités à la chronique « Il/Elle n’a jamais fait de slam », Dominic Gagné a rédigé un court texte pour nous expliquer pourquoi il n’a jamais participé à un slam de poésie.

Je n’ai jamais fait de slam parce que : 

Je n'ai jamais fait de slam parce que je suis un homme de peu de mots. Mon laconisme ne conviendrait pas à la joute oratoire. Je préfère travailler lentement. Au compte-gouttes. Dans l'ombre. J'ai aussi du mal à m'imaginer la poésie comme une épreuve sportive, une compétition où s'affrontent des poètes, des pugilistes du verbe. Si la poésie est un sport de combat, elle en est un qui oppose le poète à la langue et au silence. Et ce n'est jamais le poète qui l'emporte.


Quelques extraits de Alejandra, parfois
par Dominic Gagné 
Éditions Triptyque, 2013


DEUXIÈME TENTATION

Accoudée à la fenêtre, elle regarde les fruits tomber des arbres comme des ogives, avec l'impression de perdre quelque chose, sans doute l'innocence ou la maladie – et si les deux n'étaient qu'une seule entité? – qui s'échappe vers un autre visage, à peine effleurée; une à une, les pommes touchent le sol; elle entend presque les hurlements, les déflagrations, elle recompose le drame qui joue en boucle dans sa gorge : aujourd'hui, ni bijou ni parfum, sa chair est un silence d'après-guerre.

(Alejandra, parfois, p. 17)





elle rêve de lutrins

d'instruments à voix
de laisser son empreinte
sur l'immobile

elle prend le temps
de se blesser
dans les guerres
et les livres des autres

dans quelle plaie
poser le prochain pas

(Alejandra, parfois, p. 19)






LES ORACLES
8.

Alejandra réécrira
certains silences

deux trois traits
à la pointe du couteau

(Alejandra, parfois, p. 60)



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Extraits de Alejandra, parfois, Triptyque, 2013.

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